LA COULEUR ROUGE INTERDITE PENDANT LA CIRCONCISION
La pratique de la circoncision (famorana ou fiforana) est généralisée
à Madagascar. Et selon Barthélemy Huet de Froberville,
les peuples du Sud la tiennent sans aucun doute des Arabes; ceux
du Nord, des juifs de Toamasina ou Zafi-Ibrahim de Sainte-Marie.
Quant à ceux de l'Ouest et du Centre, "il n'est pas
aisé de dire" quelle en est l'origine.
Dans le Sud, plus exactement dans l'Anosy et le Matitanana, selon
Etienne de Flacourt, la cérémonie le "valasira"
se fait le plus souvent au mois de mai. Tous les parents et amis
des enfants à circoncire se rendent au village où
elle se tiendra, les pères envoyant à l'avance ou
apportant avec eux le vin de miel qui en est la boisson attitrée.
Les plus riches donnent également un bœuf à
leur enfant.
Les festivités durent plusieurs jours. L'avant-veille de
la circoncision se passe en réjouissances, "misavatse".
Les hommes miment des danses guerrières au son d'un "hazolahy"
(tambour), tandis que les femmes tournoient autour d'eux "en
faisant mille gestes de crainte, de supplication et d'admiration
comme pour apaiser leur fureur ou pour les encourager au combat".
Puis elles dansent et chantent, accompagnés des jeunes
gens, jusqu'au moment où le maître du village et
de cérémonie invite tout le monde à boire
jusqu'à l'ivresse.
La veille de la fête, les réjouissances s'arrêtent.
C'est le temps du recueillement, de la préparation des
garçons pour le grand jour. Même "la continence
est de précepte", car selon leur croyance, l'acte
sexuel risque de provoquer une hémorragie sur les enfants
circoncis et, d'ailleurs, nul ne doit non plus porter du rouge.
Les mères passent la nuit avec leurs garçons dans
le grand "lapa" (grande maison des cérémonies).
Elles les amusent avec les bijoux de verroterie ou de corail qu'elles
portent, tandis que les hommes chargés de l'opération
apprêtent tout.
Le jour J, hommes, femmes, filles, bref tous vont se baigner,
tout en criant : "Une fois, deux fois, trois fois..., grande
bénédiction"; cris auxquels le maître
de cérémonie répond par des prières
: "Je te salue, ô Dieu, je te prie; tu as créé
les mains et les pieds. Je m'humilie devant toit parce que je
vais circoncire ces enfants aujourd'hui".
Quand vient l'heure de la circoncision, les instruments de musique
commencent à nouveau à se faire entendre. Le maître
de cérémonie se pare de son plus beau pagne, vérifie
que personne n'ait du rouge sur ses vêtements. Il se fait
ensuite une écharpe avec un grand écheveau de fil
de coton blanc, en dispose une autre sur son bras gauche pour
essuyer le couteau.
Les pères s'emparent alors de leurs garçons et font
deux fois le tour du Lapa, entrant par la porte de l'ouest pour
sortir par celle de l'Est. Ces processions se terminent par "deux
autres autour des bœufs à sacrifier". Les animaux
sont couchés par terre, les quatre membres attachés
et on fait asseoir les enfants près d'eux, la main sur
la corne droite. Tout le monde se retire alors, sauf les oncles.
L'opération peur commencer.
Aussitôt, le prépuce enlevé, un "roandriana"
ou "anakandriana" coupe la tête d'un coq pour
"en distiller le sang sur la plaie, tandis qu'un autre presse
sur elle le suc d'une plante dénommée "hota".
Le prépuce enlevé est avalé par l'oncle avec
un œuf. "S'il y a quelque esclave qui n'a point d'oncle,
on le jette à terre".
Cette journée se passe aussi dans le recueillement, mais
tous se rattraperont les jours suivants.
Dans le Centre de l'Ile, tel que le relatent Mayeur et Dumaine,
"les Bezanozano n'ont point d'époques fixées
pour circoncire leurs enfants". En fait, ils attendent d'avoir
stocké des vivres et du "toaka" (alcool) pour
célébrer la cérémonie, car ils invitent
beaucoup de monde. Il est, du reste, d'usage que chaque famille
se cotise, selon ses moyens, pour contribuer aux dépenses
que cela occasionne et cela, à charge de revanche.
"L'opération se fait comme partout ailleurs, en coupant
le prépuce avec un rasoir". Ce, après avoir
rendu les enfants insensibles à la douleur, par des promenades
forcées, les mettant "dans un état de lassitude
qui fasse diversion à la douleur".
Le prépuce n'est pas avalé : "Chaque père
le met dans son fusil et le tire en l'air". Après
quoi, on tue autant de taureaux qu'il y a de circoncis, dont la
viande est distribuée aux convives. La cérémonie
se termine en plantant des poteaux en terre, auxquels on enfile
les têtes des bœufs abattus. La cérémonie
se déroule en général au centre du village. |