Les "guerres" de succession
Depuis 1960, la vie politique malgache traverse, périodiquement,
de graves évènements. Mai 1972 et la révolte des
étudiants contre l'asservissement culturel et l'économie
extravertie; février 1975 et l'assassinat du colonel Richard Ratsimandrava
une semaine après sa nomination à la tête du pays;
août 1991 et la longue marche tragique menée à l'assaut
de la dictature représentée par le Palais d'Iavoloha; et
plus récemment, 2007 et la double investiture "légitime"
puis "légale" du président Marc Ravalomanana.
En général, cela se produit à l'issue d'une élection
à la magistrature suprême. Mais les dirigeants post-Indépendance
n'ont pas l'apanage des "coups d'Etat transformés en soulèvements
populaires contre la dictature, le népotisme...".
Sans remonter bien loin dans l'histoire, Andriamasinavalona qui règnera
sur l'Imerina de 1675 à 1710, détrône son grand frère
Razakatsitakatrandriana. Ce dernier, dit-on, est accusé de tyrannie
par ses sujets et le sage notable Andriamampandry fomente une révolution
de palais. Il joue plus sur les superstitions royales que sur les armes
pour provoquer la fuite du souverain régnant.
L'accession au trône du prince Imboasalama, devenu Andrianampoinimerina
(souverain de l'Imerina de 1887 à 1810) est sensiblement la même.
Son grand-père Andriambelomasina (fils d'Andriamasinavalona que
ce dernier place à Ambohimanga) prend soin, avant de tourner le
dos, de nommer ses successeurs:
d'abord Andrianjafy, son fils aîné,
puis Imboasalama, le fils de sa fille aînée.
Cependant, dit-on, Andrianjafy est non seulement tyrannique, mais poussé
par sa femme Ranavalondrazaka, il se met en tête de donner la succession
du trône d'Ambohimanga à son fils unique, Ilaitokanimarina.
Par trois fois, il essaie d'attenter à la vie de son neveu. Sinistres
projets éventés par les 12 chefs d'Ambohimanga qui le détrônent.
Pour Radama I (roi de 1810 à 1828), le problème se pose
du vivant de son père. Quatre prétendants se présentent
à la succession d'Andrianampoinimerina: Rabodolahy, son fils adoptif
et l'aîné des princes; Rakotovahiny, le frère de celui-ci;
Ramavolahy, son fils aîné né de Ramanantenasoa d'Alasora;
et Laidama, son préféré qu'il a de Rambolamosaondra
d'Ambohidratrimo.
Cette préférence est, d 'ailleurs, visible
car le fils partage les ambitions du père.
Rabodolahy et Rakotovahiny, pour avoir fui en menant chacun une expédition
contre les Sihanaka, sont sommés par le souverain de s'expliquer.
Mais leur attitude diffère. Le second invoque la supériorité
des ennemis qui l'amène à se retirer avec ses hommes "pour
que les sujets du Roi ne soient pas tous anéantis". Rabodolahy,
lui, se montre très arrogant et déclare "qu'il refuse
de construire un royaume qui reviendra à un autre". Exilé
chez les Zafinandriamany, aux confins de la forêt de l'Est, il n'accepte
pas la défaite et se révolte. Il est condamné à
mort.
Son frère, pour sa part, est envoyé à Ambohitrandriananahary,
plus proche d'Antananarivo.
Ramavolahy, quant à lui, montre très tôt sa jalousie
à l'égard de son jeune frère, qu'il accuse de vouloir
usurper l'héritage royal. Jalousie attisée par sa mère,car
les vaillants soldats Manisotra d'Alasora qui, logiquement, auraient dû
être à son service, sont placés par Andrianampoinimerina
près de Laidama pour l'instruire militairement et le protéger.
Ramavolahy essaie d'assassiner son jeune frère à plusieurs
reprises. Comme il n'y arrive pas, il décide de s'attaquer à
leur père. Le complot est aussi éventé et il est
mis à mort.
On connaît les assassinats qui marquent l'accession au trône
de la princesse Ramavo devenue Ranavalona 1ère (souveraine de 1828
à 1861). En fait, c'est le résultat d'une lutte d'influence
entre deux clans : les conservateurs qui veulent manipuler la future reine,
et les proches du roi défunt famille royale, entourage qui veulent
mettre sur le trône la princesse Raketaka (fille de Radama avec
la princesse sakalava Rasalimo) et le prince Rakotobe, neveu du roi.
Chaque
parti sort ses arguments. Le conservateurs parlent d'une décision
d'Andrianampoinimerina qui aurait, de son vivant, désigner ses
successeurs: son fils Radama, puis son épouse. Ce que dénie
l'autre parti: Ranavalona étant beaucoup plus vieille que son époux,
serait morte avant lui s'il n'a pas été gravement malade.
Ce parti sort, lui aussi, les dernières volontés de Radama
: c'est Raketaka qui règnera, secondée par Rakotobe.
Ranavalona 1ère vivra la même situation. Du vivant de son
époux, elle adopte le prince Ramboasalama qu'elle destine, plus
tard, à sa succession. Mais le prince Rakoto, futur Radama II,
est né. Soutenu par le co-premier ministre Rainijohary et son clan,
Ramboasalama ourdit un complot, vite découvert.
Un seul règnera!
Les nobles ne sont pas égaux dans une même famille.
A l'intérieur
même de la famille royale, assure-t-on, on se disputait au
sujet du royaume,
et dans les familles des princes vassaux, "on
se disputait au sujet des fiefs" (Pasteur Lars Vig).
La répartition
de l'héritage royal risque alors d'affaiblir la noblesse et de
provoquer des luttes et des frictions.
Ainsi, estime-t-on, que la puissance et la considération de la
famille royale sera maintenue si un vieux dicton devient la règle
de conduite Peu nombreux sont ceux qui règnent. Autrement
dit, un seul deviendra souverain et peu nombreux seront ses vassaux. Ce
qui expliquerait le fait que les familles de la noblesse la plus élevée
ont peu d'enfants.
Selon l'exigence de la morale utilitaire, des enfants de la famille
royale sont mis à mort et jetés dans un étang à
Marohoho (beaucoup d'ongles). Cette morale utilitaire fait que,
dans les classes élevées de la noblesse, la pratique veut
que le quatrième enfant restera en vie, s'il était
de sexe féminin, pourvu que les trois premiers fussent des garçons.
De même si les trois premiers étaient des filles et le quatrième
un garçon. Ceux qui naissaient ensuite, devaient être tués.
Mais cette perspective est tellement effroyable qu'il devient préférable
de tuer les enfants à leur naissance ou à l'état
d'embryons. Car les avortements étaient assez courants à
Madagascar, dans le passé.
de Pela Ravalitera Journal Express |